6.
Synthèse
sur le développement
de l’activité/pratique de
coach
Socrate
marche et observe le monde. Il observe l’homme. Le coaching a donc plus de 2000
ans, prenant son empreinte dans la maïeutique (du grec maieutikê, signifiant:
art de l’accouchement). Coaching, coach quand tu nous tiens, considérant que
cela puisse en être !
Il est évident que l’activité de
coaching se développe, et depuis moins de 5 ans à la vitesse d’un TGV®, sans
que les infrastructures soient toutes en place : le métier de coach n’est pas
réglementé. Maintenant, pour être un bon coach, suffit-il d’avoir une
réglementation et de s’inscrire dans un parcours « formaté » ?
Sur les métiers qui modèlent l’humain, la question reste posée. Toujours est-il
qu’il est intéressant de porter un regard sur cette activité encore décriée,
galvaudée, et parfois « mise au clou ». Mais l’engouement,
l’emballement sont là, et l’évolution de nos sociétés me laisse croire qu’il
n’y aura pas de retour en arrière. Je présenterai cette partie en deux
points :
-
Le
développement par l’offre,
-
Le
développement par la demande.
Loin de moi l’idée de faire un cours
de marketing, mais si nous regardons le coaching (et le coach) comme un
produit, nous sommes en droit de croire qu’il y a un cycle de vie, un cycle
très long qui aurait pris naissance avec l’humanité. Nous avons dépassé
aujourd’hui le stade des études et des prototypes.
6.1 Le développement par l’offre
Si je m’en réfère à la définition de
l’encyclopédie du marketing (Lehu, 2012), il faut poser les choses de cette
façon : «Démarche marketing qui
consiste à utiliser les techniques marketing pour assurer et favoriser la
commercialisation de biens et de services issus d'un processus de création et
de développement qui n'a pas pris en compte les attentes et les besoins des
consommateurs potentiels.» Dans les métiers où l’homme est central, non pas
que comme consommateur, mais aussi matière première à travailler, cette
approche peut « chatouiller l’éthique[1] ». Le développement
de l’activité de coach aurait donc comme entrée la création du besoin auprès du
chaland. Lui donner envie de consommer le coaching alors qu’il n’est pas en
demande. Cela existe et le monde du luxe en est le meilleur exemple !
Quand
le coaching a débuté dans le monde du sport, quand le terme « coach »
a été employé, il s’agissait d’accompagner, au-delà de la technique, les
sportifs de haut niveau. En déportant le concept vers le monde de l’entreprise,
a-t-on fait naître le besoin auprès des managers, des grands dirigeants ?
Toujours est-il que le coaching a trouvé là une source de développement réel.
« Comment ça, vous n’avez pas votre coach ? ». Entré dans
l’entreprise, le coaching est allé à la recherche d’autres sujets, et les
strates inférieures aux comités de direction sont devenues des cibles
nouvelles. Le coaching devenait l’outil qui allait permettre aux responsables
de service, à l’encadrement, d’améliorer leurs performances mais aussi
d’améliorer leurs relations avec leurs équipes. De l’animation de réunion à la
prise de poste mais aussi pour redonner l’envie… pour toujours faire mieux. Les
coachs ont-ils joué cette approche produit ?
La nature humaine est capricieuse, et
l’homme parfois versatile, plutôt opportuniste. Il y a un marché…
Le
développement par l’offre, peut aussi naître par un autre biais qui n’a
peut-être pas été mesuré au départ et qui peut créer des dysfonctionnements :
l’augmentation du nombre de coachs. Toujours avec un regard un peu critique,
l’explosion des métiers de l’accompagnement a entrainé le « partage du
gâteau », à savoir, la manne financière globale du secteur n’est pas
extensible et la concurrence est de plus en plus nombreuse. Une des réponses a
pu être le développement des écoles de coaching. Si mon activité de coach n’est
plus rentable, ou suffisante pour vivre du métier, je recherche un secteur
marchand nouveau pour continuer à travailler. La formation de nouveaux coachs
devient une activité complémentaire au coaching, nous faisons naître un nouveau
besoin, celui de se former, de former. Le toujours plus de coachs formés permet
à ceux qui sont déjà installés de se créer une future clientèle. La
supervision, le travail sur soi sont des « obligations » pour être un
coach sain. Et qui coache le coach ? Qui fait le suivi thérapeutique du
coach ? Développement par l’offre, nous créons notre propre besoin, nous
fabriquons notre marché. Et comme nous pouvons entrevoir la suite du film,
c’est par les courants de « pensées », les « outils » que
le secteur cherche à se différencier pour capter le chaland : « venez
chez nous, le truc est mieux que le bidule. Et mon tournevis tourne mieux que
le leur ! ». Une conséquence tout de suite mesurable et
identifiable : nous créons notre propre fin, le serpent qui se mord la
queue.
En
se référant toujours au cycle de vie du produit « coach »,
serions-nous passés très vite, trop vite, de la phase lancement à la phase
déclin ? Avons-nous joué aux apprentis-sorciers en négligeant la
croissance et la maturité de notre activité ? Et si cela était le mauvais
regard porté et que c’est la demande qui conduit notre développement ?
6.2 Le développement par la demande
Sempiternelle
question : la demande précède-t-elle l’offre ? En marketing, on
oppose parfois les deux concepts mais cette distinction est contestable, car
dans les deux cas, il faut toujours vérifier que l’offre sera acceptée par le
marché. Mais le débat n’est pas ici de savoir si l’un ou l’autre type
« qui de l’œuf ou de la poule », mais de regarder l’essor de
l’activité. La demande émane donc du client : pourquoi, comment suis-je
arrivé au coaching ? De la même façon, l’histoire de ce métier prend
naissance, et cela est normal, aux sources de l’humanité. L’homme s’interroge
sur son avenir, sur les possibilités qui lui sont offertes pour réussir dans un
domaine ou un autre. Il n’y avait pas de plaque au fronton des maisons, mais
les métiers de l’accompagnement étaient présents. J’aime croire que le
« fou du roi » est un vrai coach. Donc la démarche marketing qui a
fait le développement de l’activité est appuyée sur le simple constat de
l’existence des besoins, et qu’il faut satisfaire la demande.
Le besoin naît d’un sentiment de
manque qu’il faut combler (comme manger) et le désir est le moyen de satisfaire
ce besoin. Alors sur quel besoin s’est posé l’activité de coaching ? Dans
l’ouvrage « Le métier de coach »
(Délivré, 2012), il est fait un fine analyse de cette situation par l’auteur.
En s’appuyant dans un premier temps sur la pyramide de Maslow[2], François Délivré propose
un développement de l’activité, par la demande, en 3 étapes, avec un postulat
que le coaching ne concernerait que les individus du monde occidental (Délivré,
2012, p. 30). Cette limitation peut être discutée. Existe-t-il des « coachs »
dans les sociétés primitives ? Si nous nous accordons sur le fait que le
coaching naît avec l’humanité, alors oui le coach est présent dans ces
sociétés. Mais contrairement à l’évolution des besoins des sociétés modernes,
les cultures primitives sont toujours en recherche de la satisfaction des
besoins matériels et de sécurité. Mais revenons à la proposition faite par F.
Délivré.
En premier lieu, le développement des
entreprises est lié à l’ère industrielle et l’approche dite scientifique du
travail. De la fin du XIXème siècle jusqu’à la grande crise, c’est bien Ford et
Taylor qui « conduisent » le modèle et de croire que seul satisfaire
les premiers besoins (matériels et de sécurité) jusqu’à l’appartenance, est ce
qui garantira la pérennité de la société. L’après-guerre montrera qu’il fallait
aller plus loin, et que le besoin de reconnaissance et d’estime devenait
prioritaire. La reconnaissance doit faire augmenter la motivation ; c’est
l’époque dite des « relations humaines » (Mayo, 1933). Par contre,
cette approche est un complément au taylorisme, une analyse en parallèle. Elton
Mayo ne remet pas en cause l’organisation du travail, il complète la
satisfaction des besoins supérieurs. Arrive donc la 3ème étape,
celle du besoin d’accomplissement, celui où le salarié cherche à réussir sa vie
professionnelle, autant que de réussir sa vie privée. Le coaching trouve son
terreau et les entreprises vont donc faire appel à ces professionnels pour
répondre à cette demande « profonde ».
Sommes-nous des êtres
paradoxaux ? Le coaching répond à une satisfaction très individuelle, très
personnelle et l’homme est un être grégaire dont la vie en groupe est
recherchée. Le coaching est bien ici chez lui. En satisfaisant le besoin
d’accomplissement, le coaché va rechercher le « mieux être » global,
donc son insertion dans la société humaine et dans la société entrepreneuriale.
Le coach sera celui qui accompagnera sur ces chemins ; pour les faire se
rejoindre ?
L’activité de coach, et sa pratique, sont
donc aujourd’hui ancrées dans notre environnement. Et cette activité continue à
croitre dans tous les domaines. Les médias ont pris le « train en
marche » y trouvant un réseau ferré très juteux, chacun y allant de son
coaching de vie (life coaching) et d’émissions télévisuelles dont seul compte
l’audimat.
Je vous
livre ce petit écrit pour simple regard que je porte sur ce métier :
Tout est écrit ou presque sur le coaching.
Toutes les bêtises circulent aussi :
"Je suis coach habillement et je
vais vous trouver votre style..."
"Votre maison n'est pas belle,
heureusement le coach est là !"
Nous pouvons passer
outre mais cela impacte les coachs, celles et ceux qui font leur job ! Alors
c'est quoi la différence ? Je ne retiens qu'un simple élément : le coach n'a
pas la réponse. Il est le vide, le rien, le néant, là où va plonger celui qui
cherche une réponse, sa réponse.
Ces femmes et ces
hommes qui pratiquent le coaching sont, pour moi, influents mais ils ne sont
pas l'autre. L'empathie déployée, cette prise sur les émotions et la rencontre
vont permettent l'émergence... A son rythme le coaché avancera sur son
territoire, il y a permis l'entrée de l'autre. Alors faut-il trouver un autre
terme ou accepter ce mélange des genres que diffusent les médias ?
Aujourd'hui, c'est
quoi un boulanger ?
Pétri de bonnes
intentions, est-il celui qui alimente le pétrin ? Voit-il la farine et l'eau
faire fusion où dépose-t-il seulement ce pâton roulé dans un four et fait
croire ? A la sortie, le produit semble le même mais quelqu'un sait qu'il
existe une différence.
Je serai
"boulanger" conscient que d'autres ne le sont pas.
[1] Utilisée
par Richard Berry dans le film « Le
Coach » lors de l’entretien préalable avec le commanditaire pour
engager un coaching prescrit, film d’Olivier Doran, 2009
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