4.
Réflexion
sur le positionnement du coach
en entreprise/organisation
Le
coach, cet homme, cette femme, qui se rend disponible pour être à l’écoute de
son coaché, vit des positions bien ambivalentes, voire inconfortables dans sa
pratique. Où se situe-t-il ? Comment s’intègre-t-il dans
l’entreprise ? Comment est-il perçu ? Depuis les années 90 (donc au
siècle dernier), le coaching a fait une entrée dans nos sociétés par
l’accompagnement des dirigeants, au service de l’encadrement. Le coaching est
un outil du manager, au service du management. Il permet aux responsables de se
libérer des paradoxes qu’ils vivent dans leur fonction, articulant sur leurs
équipes le sacro-saint duo carotte et bâton.
Cette entrée en scène du coaching est plutôt réductrice et
« limitante », celle de croire que son développement ne se fait que
pour mieux réussir à faire fructifier le capital. L’homme est un élément du
capital. En se gardant de faire du bel angélisme, l’entreprise gagne à faire
progresser son capital humain. Interne ou externe, individuel ou d’équipe, le
coaching gagne ses galons ; le coach est un tiers identifié et reconnu.
John Whitmore nous invite à cette réflexion sur le défi lancé aux leaders
(Whitmore, 2012, p.213).
Le
positionnement du coach est donc précieux. La définition de positionnement
devient éclairante pour le sujet à traiter : « image du produit vu
par le consommateur ». J’aborderai donc le thème sur le coach vu par le
donneur d’ordre (autre que le coaché), et le coach vu par le coaché.
4.1 Coach vu du prescripteur
La
relation tripartite. Il y a donc une première demande qui émane d’une
hiérarchie, le manager, le responsable des ressources humaines, de quelqu’un
qui ne sera pas celui qui vivra le coaching. Mais celui-là joue dans la
relation, il est le commanditaire, le contractant, celui qui règlera la
facture. Il sera toujours tenté de demander des comptes, de savoir si
l’investissement est rentable car il s’agit bien d’un investissement dans du
capital humain, dont le retour est attendu, voir exigé. Au coach de tenir la
frontière de ce qu’il vit avec le client. C’est toute l’importance du contrat
(Délivré, 2012). Nous voyons bien qu’ici, le regard que porte le client sur le
positionnement du coaching dans l’entreprise est donc celui de l’affaire.
Au
cours de la formation, nous avons eu deux visions du coach par l’organisation.
Une première fois par la venue de Hind Englinger, DRH, qui portait un regard
critique sur le sujet. Le coaching, et par là-même le coach, est un effet de
mode. C’est un peu le « jouet psychothérapeutique » pour le bien-être
des cadres. Dans la présentation faite par Mme Englinger, la dernière
diapositive (annexe n°4) est le reflet
du financier : « Coach : Business Partner ». Si le coaching peut avoir une utilité dans le
développement et l’amélioration des relations dans l’entreprise, il est à sa
place. Cependant, il existe bien des coachs qui sont plus des
« gourous » que de véritables professionnels. Hind Englinger nous
porte alors son conseil, à nous les apprentis : « En tant que coach,
focalisez-vous sur l'entreprise car c'est l'entreprise qui demande un coaching.
Même si la tendance du coaching est sur l'individu, il faut s'intéresser au
système et donc à l'entreprise. »
Le
coaching est aussi repris par les DRH comme un outil de formation vers
l’encadrement pour que les coachs transmettent leurs modèles, leurs techniques
pour permettre au manager d’être ou de devenir manager-coach. Mais il ne faut
pas être réducteur, et de nombreuses revues axées formation, ressources
humaines, traitent du coaching et préconisent son utilisation. C’est un
mouvement de fond qui ne fait que débuter.
La
vision de l’un n’est pas toujours la vision de l’autre. Jean-Jacques Zunino,
intervenant sur le DU et manager dans un grand groupe, ancien RH, nous a livré
lui aussi son regard sur le coach. Il tente de concilier les deux mondes, il se vit manager-coach. Il dit du
coach qu’il est un révélateur, celui qui va aller chercher dans l’individu les
compétences nécessaires au bon fonctionnement de la structure. En effet, le
manager vit un « paradoxe permanent » et que « manager, … c’est
régler un problème avec soi-même !..» Dès lors, l’image du coach est
positive et l’utilisation de ses services est indéniable. Le coaching devient
un outil de la performance, juste de savoir s’il n’est pas à effet mirage. Et
donc de garder à l’esprit que la progression du manager qui se fait coacher
doit être mesurable. Encore un paradoxe. L’entreprise, l’organisation qui utilise
le coaching est mature, JJ Zunino entend par-là que l’entreprise utilisatrice
du coaching pour son encadrement est une entreprise à forte culture
ressource-humaine, que le coût est pris en compte et qu’il y a bien retour sur
investissement par l’amélioration des compétences. Et qu’enfin, la hiérarchie
doit être impliquée avant, pendant et après le coaching (annexe n°5).
Dans
la vision du coach par le prescripteur se pose aussi aujourd’hui la
question : quel coach ? Pas en terme de courant de pensées, outils et
école mais, et pour les grands groupes, le coach est-il interne ou
externe ? En effet, la recherche permanente de la performance et la
gestion de la dynamique des groupes au travail, par l’approche projet, tend à
intégrer le coaching dans l’organisation. Plus de réactivité ? Plus de
contrôle ou mieux de contrôle ? Alors…
Nous
avons eu le privilège d’avoir Annick Richet comme intervenante sur le sujet. Le
coaching en interne est à ses yeux «une
innovation managériale qui réinvente de nouvelles régulations» (Richet, 2005).
Elle
est persuadée que le coaching se développera encore aux cours des années à
venir et que les deux modèles seront complémentaires. Plus précisément, le
coaching interne est une réponse pour limiter les coûts engagés dans
l’accompagnement des managers, des cadres, l’animation des équipes, et ce
coaching interne s’inscrit et enrichit dès lors dans la politique RH de
l’organisation[1].
4.2 Coach vu du coaché
C’est
lui et lui seul qui est dans la confidence de la relation. Il porte donc un
regard très précis sur le coach par le fait de vivre avec lui la tenue des
échanges. Quelle vision en a-t-il ? Deux approches sont à analyser, le
coaché est seul demandeur du coaching, il est donc aussi le donneur d’ordre, ou
bien le coaching est prescrit, et dans ce cas, il y a un intermédiaire qui ne
sait pas si le consentement est validé, point que vérifiera dès le premier
contact le coach. Il faut aussi savoir pourquoi le coaching est engagé :
aide à la prise de poste, développement d’équipe ou personnel…
Le coaché est donc sur des registres
« visuels » différents.
Prescripteur,
il choisit d’engager le coaching et choisit donc le coach. Généralement, il
s’est informé en amont, a collecté des renseignements, s’est établi une
cartographie. Suivant son modèle interne, il orientera son choix vers une
technique plutôt qu’une autre. Il a un regard favorable sur le coaching qui lui
sert pour l’aider dans sa quête d’une solution à la résolution de son problème.
Seule la personnalité du coach serait un frein, et cela se mesure au premier
rendez-vous.
Quant
au coaching prescrit, si le coach n’est pas le souci premier, c’est le regard
sur l’entreprise et sa hiérarchie qui sera déterminant. En effet, pourquoi je
dois être coaché, accompagné ? C’est qu’ils pensent (mes supérieurs) que
je ne suis pas ou plus bon dans mon « job » ? Ai-je commis une
faute ? Du coup, la vision sur le coach est d’abord celle de la méfiance.
Méfiance dans l’objectif, méfiance dans ce qui sera « joué » dans la
relation…
Le coaché va aussi, souvent, rejeter
le coaching sur l’analyse tronquée de la situation qu’il fait : « si
mon entreprise veut que je sois coaché, c’est que je suis mal évalué et que je
vais être viré. Je suis sur un siège éjectable. Ce coach est là pour leur
confirmer ». Une fois encore, c’est au coach d’être un vrai professionnel,
garantissant écoute et confidentialité et plus encore.
Et
comment le coach voit le coach ? Voilà une question pertinente qui oblige
à une introspection. Spécialiste de l’accompagnement, artisan de la
construction humaine, le coach doit avoir une connaissance, et des
organisations et de son environnement. Introduit dans l’entreprise, il en
devient un acteur, direct ou indirect, et son revenu (au coach), donc son
existence professionnelle est liée à son donneur d’ordre. Comment rester
indépendant ? C’est ici que l’éthique et la déontologie entrent en
action.
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